Michaëlla Clapisson à l'école Jean-Pierre Brana © Ville de Bayonne - Mathieu Prat 

Bénévolat, Education

Michaëlla Clapisson, une stratégie gagnante-gagnante

Parmi les nombreux défis à relever de notre époque, Michaëlla Clapisson a fait des choix et a retenu celui de l'égalité des genres. À l'école d'abord, son milieu professionnel, et au sein de l'association les Bascos, en participant en 2018 à la création du groupe de femmes Les Bask'Elles.

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Directrice à temps plein de l'école Jean-Pierre Brana depuis la rentrée 2020 - poste qu'elle occupait préalablement à temps partiel en complément à celui de professeure, Michaëlla Clapisson se consacre à la pédagogie de projets, une façon de transmettre des valeurs par la réalisation d'objectifs palpables par les enfants. Ainsi en est-il du grand jardin de l'école Brana, que tous les enfants cultivent, quel que soit leur âge. À travers des ateliers encadrés par un intervenant de l'association Graines de liberté, les élèves acquièrent une autre forme d'apprentissage, en lien avec la nature et ses cycles, avec l'alimentation et la santé, avec la reproduction du vivant, sa protection... Beaucoup s'y retrouvent et apprécient les temps de partage et d'échanges, qui les éloignent des traditionnels clivages observés dans les cours de récréation. "Ce jardin est un outil qui nous aide à dépasser les rapports de domination qui s'instaurent systématiquement dans la cour de récréation, explique Michaëlla : les grands contre les petits, les garçons contre les filles... Ces rapports se manifestent surtout à travers les jeux de ballon. On voit les filles s'écarter pour éviter les tirs ; les garçons prendre toute la place ; les plus doués être valorisés et les moins habiles rabaissés. Cette réalité, prégnante dès le plus jeune âge, nous a rapidement été décrite comme une énorme gêne par les déléguées de classe, et en y prenant garde, nous constatons qu'elle correspond à des limitations inconscientes qui nous concernent tous."

Les rapports de domination, une sérieuse problématique

L'équipe pédagogique de Jean-Pierre Brana travaille depuis trois ans sur le sujet, sous l'impulsion de sa directrice, mais les choses ne changent pas véritablement. "Nous avons signifié aux élèves que les filles aussi pouvaient jouer au foot, avons mis en place un planning pour éviter l'omniprésence de ce jeu, mis à disposition d'autres formes de divertissement - des échasses, des balles..., mais rien y fait. Ainsi l'équipe est-elle entrée en phase d'observation. "Par la prise de conscience, nous espérons donner une nouvelle impulsion qui permettrait de sortir de schémas bien ancrés." L'expérimentation, qui passera par divers phases avant d'aboutir à des aménagements d'espaces, est d'ailleurs partagée par d'autres écoles, dans laquelle le groupe scolaire Jean-Pierre Brana est devenu pilote, le tout en coordination avec le Réseau d'éducation prioritaire dont il fait partie. "Les élèves seront partie prenante, poursuit Michaëlla, c'est évidemment essentiel. Les parents seront également associés."

Le sens du défi

C'est bien dans le sens de l'intégration du plus grand nombre et de la démarche participative que se reconnaît cette femme active, également à l'initiative d'autres actions de sensibilisation. Dans le même ordre d'idée, avec les Bask'Elles, elle réfléchit à la place des femmes dans la société et en particulier à leur représentation dans la toponymie des villes. "Seuls 3% des noms de rues ou de places sont des noms de femmes, poursuit-elle. L'Histoire retient beaucoup plus facilement ceux des hommes, alors que de nombreuses femmes ont également été militantes, scientifiques, écrivaines, médecins... L'école Jean-Pierre Brana est par exemple situé avenue André-Harambillet. Un jour, j'ai cherché qui était cet homme et j'ai trouvé qu'il avait été élu au Conseil municipal. Or, des Bayonnaises résitantes l'ont également été dès 1945 sans jamais avoir retenu l'attention. Alors, nous avons décidé, au sein des Bask'Elles, de sortir ces femmes de l'ombre, aidées par nos recherches dans les fonds d'archives, puis de faire part de nos découvertes aux commissions Toponymie des mairies."
Une exposition reprenant des portraits de résistantes, ainsi que de Luziennes lettrées ayant fait entendre leurs voix en 1789* circule ainsi de villages en villes afin de les mettre en avant. En mars dernier, une table ronde avait rassemblé des sportives de haut niveau, venues témoigner de leurs combats pour exister dans le milieu sportif. "Nous ne voulons pas seulement dénoncer les inégalités, mais aussi sensibiliser et dépasser les clivages. Car, ces inégalités ne sont pas seulement une affaire de femmes, elles concernent aussi les hommes."

*citées dans "Figures de femmes, le silence de l'Histoire au Pays Basque",  Jacques Ospital, éd. Elkarlanean