Culture, Cinéma
Sylvie Larroque, passeuse d'images et de messages
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Cette femme porte à elle seule la responsabilité de la programmation d'un cinéma classé Art et essai, recherche et membre du réseau Europa cinémas. Une responsabilité qu'elle assume pleinement et avec brio, la fidélité des spectateurs étant sa plus belle récompense. L'Atalante, ce n'est pas rien : trois salles magnifiquement lovées dans un bâtiment rénové du bord d'Adour, dotées d'une taverne avec terrasse qui font figure de locomotive dans la vie culturelle bayonnaise. Si le monde artistique a généralement souffert et souffre encore de la pandémie, le cinéma s'en sort plutôt bien. L'Atalante encore mieux, même si "rien n'est jamais tout à fait gagné et qu'il faille sans cesse se questionner, faire de nouvelles propositions, trouver un équilibre", rappelle Sylvie. Afin de répondre à ces multiples enjeux, elle consacre un regard expert aux films qu'elle visionne, entre douze et quinze par semaine, selon des critères qui ne correspondent pas forcément à ceux des circuits plus commerciaux, mais en s'intéressant au cinéma d'auteur, en privilégiant systématiquement les versions originales et une grande diversité des genres. "Je regarde les films comme une spectatrice lambda, avec une part de subjectivité bien sûr, et mon caractère cinéphile, qui induit une recherche de rythme, qui veille au sens du récit... J'ai parfois des a priori positifs, liés à certains auteurs que je connais et que nous avons l'habitude de programmer, mais j'ai aussi envie de défendre des premiers films." Son intérêt pour la culture s'est forgé toute jeune, auprès de parents instituteurs, chez qui l'image et la lecture avaient leur importance. Ayant grandi en Pays Basque intérieur, elle a d'abord connu l'univers de la ruralité avant d'évoluer vers un environnement plus urbain : de Mendionde à Hasparren, puis Bayonne, Paris et Bayonne...
L'enjeu de la transmission
Il y aussi chez cette cinéphile, formée au cinéma par le biais d'études universitaires mais aussi grâce à une expérience de six ans au Ciné 104 à Pantin, une forte envie de transmettre. Transmettre quoi ? "Une ouverture au monde, répond-elle avec spontanéité. Et même si le mot semble un peu galvaudé, il reste approprié dans certains types d'actions, les siennes en particulier. Au-delà de la programmation, il y a cette volonté de conquérir de nouveaux publics, les jeunes en particulier, ou les publics qui n'osent pas pousser les portes d'un cinéma longtemps qualifié d'intellectuel. Une volonté qu'elle partage avec Nicolas, co-directeur qui tient les cordons de la bourse associative, et avec 16 autres collègues, qui contribue à cette touche de bonne humeur si particulière et bienvenue. À destination des publics peu habitués, L'Atalante a mis en place un système de "Tickets solidaires" qui permet aux personnes défavorisées d'accéder gratuitement aux salles. Envers les jeunes, une réflexion est menée autour d'une communication adaptée, dont les indispensables réseaux sociaux. "Nous nous appuyons également sur la section cinéma du lycée René-Cassin, poursuit Sylvie. Intéressés par le cinéma, les élèves, qu'ils soient en seconde, première et terminale, viennent de manière autonome, sans forcément y être contraints parce que cela fait partie du cursus." L'équipe trouve également un relais intéressant auprès des éco-délégués dans les lycées, mais également auprès de l'École d'art du BAB.
Des retours gratifiants
Les retours du public sont un moteur puissant dans l'exercice de ce métier : le sourire des spectateurs, leurs émotions perceptibles en fin de séance, mais aussi le témoignage des réalisateurs à l'issue des rencontres. "Il y a une semaine, nous avons reçu le réalisateur marocain Ismaël El Iraki pour la projection de "Burning Casablanca", un film sorti dans peu de salles, au récit structuré mais avec un côté rock et explosif à la Tarantino, explique Sylvie. Un film porté par une énergie de nécessité, écrit et réalisé après les attentats du Bataclan que le réalisateur a vécus de l'intérieur. Marqué par ces événements, il est aussi arrivé à Bayonne un peu dépité par le démarrage fragile de son film. Ce soir-là, il a rencontré un public peu habitué aux débats, un public d'où émergeaient des questions très spontanées. Or, cette rencontre lui a fait du bien, il m'a confié son plaisir de retrouver l'ambiance d'une salle avec des spectateurs." Même son de cloches avec des réalisateurs plus connus comme Tony Gatlif ou Edwy Plenel dans un registre érudit et ouvert d'esprit, ou de Thomas Lacoste qui a trouvé sur place un véritable soutien autour de la réalisation de son dernier documentaire "L'Hypothèse démocratique - une histoire basque".