Solidarité
Violences conjugales : Alba accompagne les victimes vers leur autonomie
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Entretien avec Andrée Diarte, coordonnatrice du service Alba et animatrice du réseau d'accompagnement des violences faites aux femmes
Comment a évolué l'accueil des femmes victimes de violence conjugale au sein d'Atherbea ?
Andrée Diarte : créée en 1954, l'association Atherbea a d'abord ouvert un centre d'hébergement qui accueillait des personnes en situation de précarité, avant d'ouvrir en 1983 le Foyer les Mouettes, refuge des "femmes battues" - à l'époque, nous ne parlions pas encore de violences conjugales. Ce deuxième Centre d'hébergement et de réinsertion sociale accueillait notamment des prostituées de la rue Pannecau, victimes de violences sexuelles. C'est seulement à partir de 1998 qu'a été créé un lieu d’accueil et d’écoute spécifique autour des violences conjugales .
Quelles sont les grands principes de cet accueil ?
A. Diarte : l'accompagnement se fait de manière très concrète. Lorsqu'une femme victime de violences vient vers nous, nous la recevons et si elle se questionne sur un éventuel départ du domicile, nous lui proposons de préparer avec elle son départ. Quitter le foyer peut en effet s'avérer compliqué : la moyenne des allers-retours entre la maison et une solution alternative est de sept, avant un départ définitif. De notre côté, nous l'accompagnons dans ses démarches administratives, car souvent les victimes n'ont pas de comptes ou cartes à leurs noms - Caf, assurance maladie, impôts... Or, pour devenir autonome, il faut exister administrativement. Nous conseillons également de sortir discrètement du domicile les petites choses auxquelles elles tiennent, même si la plupart savent qu'elles partiront démunies. Puis, nous les orientons vers les dispositifs de droit commun, dont le soin. Les violences conjugales ont en effet des conséquences dévastatrices, reconnues sur plan psychologique et somatique. Enfin, lorsqu'il y a suffisamment de preuves pour déposer plainte, nous allons parfois jusqu'à l'accompagner à la gendarmerie ou au commissariat, et faisons le lien avec les avocats.
L'accompagnement psychologique s'est particulièrement étayé et précisé avec le temps. Quels en sont les grandes lignes ?
A. Diarte : au-delà de la mise en sécurité de la victime, il importe de redéfinir avec elle ce que sont les violences conjugales pour les nommer et permettre une prise de conscience. La plupart des victimes ne tombent pas sous les coups de violences physiques, mais sous les coups de violences psychologiques, économiques, administratives ou sexuelles. Il importe alors de leur rappeler que la violence, encore trop souvent banalisée dans nos sociétés, est inacceptable et qu'elles n'ont pas à porter la culpabilité de ce qui leur arrive. Nous décrivons les mécanismes caractéristiques de la violence et les effets induits sur elles en termes de perception, distorsion, dévalorisation. De façon générale, nous les informons de leurs droits afin qu’elles prennent seules des décisions éclairées. Ainsi, si elles souhaitent déposer plainte, nous les mettons en garde sur le risque de classement sans suite faute de preuves suffisantes, car il est difficile de prouver que l'on est victime de violences économiques, psychologiques ou même sexuelles. Nous savons qu’une affaire classée, synonyme de déception, est vécue comme une autre forme de violence. Nous cherchons alors d’autres chemins pour aider la victime à se reconstruire.
Quel dispositif le service Alba met-il en place pour héberger ces femmes ?
A. Diarte : il se déroule en plusieurs étapes. Les femmes qui se sentent menacées peuvent être accueillies en hébergement d'urgence 7 jours sur 7 par le Service intégré de l'accueil et de l'Orientation, en composant le 115 les soirs et week-ends ou le 05 59 52 60 93 du lundi au vendredi en journée. Dès lors qu'une personne sollicite de l'aide, elle recevra une proposition pour être mise en sécurité.
Quelle est la suite réservée à ces accueils d'urgence ?
A. Diarte : après un accueil de quelques jours à l'Hôtel, elles peuvent être accueillies à la Maison de Gilles puis sur un des 13 logements sur l’ensemble du territoire, dont certains sont en colocation. Nous signons avec les victimes des contrats allant de deux à six mois, soumis à des conditions de séjour avec, à l'issue, un objectif de relogement et de solutions pérennes sur la voie de l'autonomie.
Réussissez-vous à reloger tout le monde ?
A. Diarte : 95 % des personnes accueillies sortent avec un bail social, tandis qu'il est éminemment plus difficile de trouver dans le privé. Depuis un an et demi néanmoins, nous remarquons une tension supplémentaire dans le parc de logements sociaux. Au lieu de quatre ou cinq mois, il faut aujourd'hui compter une moyenne de neuf mois environ avant de reloger quelqu'un.
Les femmes accueillies se connaissent-elles ? Se soutiennent-elles ?
A. Diarte : la difficulté de trouver des logements adaptés aux femmes seules ou aux familles monoparentales nous amène à proposer également de la colocation. Et la colocation s'est révélée un très bon outil pour créer de la solidarité et de l'entraide entre victimes, qui arrivent avec un petit point commun qui est celui des violences subies. Il permet également de rompre l'isolement dans lequel les femmes sont souvent enfermées. À cette fin, j'anime également avec une psychologue un groupe de paroles, "Bruyantes", qui se réunit mensuellement au 3 bis avenue de Jouandin. Nous organisons également des randonnées, des ateliers créatifs... L'art est un canal d'expression intéressant pour se reconstruire. D'ailleurs, cinq victimes de violences, aidées d'une chorégraphe, d’une musicienne et d’un vidéaste de la compagnie Batcharte Dantza présenteront leur spectacle "Sur ma peau, le bleu du ciel" jeudi 25 novembre à Saint-Pierre d'Irube.
Plus d'infos
> service Alba 05 59 46 40 86 (numéro destiné aux victimes, mais aussi aux familles ou proches des victimes)
> appels d'urgence au 115 les soirs et week-ends ou au 05 59 52 60 93 du lundi au vendredi en journée